Lorine Niedecker, poèmes
SOURCE : POEZIBAO
Linné
en Laponie
Rien de remarquable
à part une Andromède
aux pousses à quatre côtés —
les
pieds
des habitants
trempés : ils doivent nager
jusqu’à l’église pendant les crues
ou payer une taxe — les fleurs
au
cœur
des feuilles
Linnaeus in Lapland
Nothing
worth noting
except an Andromeda
with quadrangular shoots —
the
boots
of the people
wet inside:
they must swim
to church thru the floods
or be taxed — the blossoms
from
the bosoms
of the leaves
•
Matin épais de brume —
je vois seulement
où je pose mes pas. Je porte
ma
propre
clarté
Fog-thick
morning —
I see only
where I now walk. I carry
my clarity
with me.
•
Van Gogh distinguait
vingt-sept types
de
noir
dans
le cap-
italisme.
Van Gogh
could see
twenty-seven varieties
of
black
in cap-
italism
•
Crépuscule —
Il harponne d’une barque —
Comme l’homme est fuyant
au
printemps
quand
le fretin
fraye
Dusk —
He’s
spearing from a boat —
How
slippery is man
in
spring
when
the small fish
spawn
Lorine
Niedecker, Collected Works, ed. Jenny Penberthy, University of
California Press, 2002.
Traduction Abigail Lang, avec le Master de traduction littéraire de
l’UFR Charles V, Paris-Diderot.
Le poème « Matin épais de brume » est paru dans le
numéro 13 de la revue Fusées.
Contribution d’Abigail Lang
Bio-bibliographie de Lorine Niedecker
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Pour Paul
Paul
six ans déjà
ce livre que j’aimais sur les oiseaux
je te le donne
J’ai pensé que Paul peut-être,
aujourd’hui plus grand que les typhas
autour de la Mare aux Canards
entre la rivière et le Détroit
garderait ce livre intact
y reviendrait chaque été
Paul peut-être
.
○
Sans terre ou presque et en chemin vers l’eau
je m’enfonce dans le marais
Je n’ai plus de vue… j’ai vu
(j’opère en profondeur plutôt qu’en étendue)
l’enfant aux yeux plus grands, plus calmes que ceux du râle.
Homer divague en enfer
Et on ne peut pas se le permettre.
Il gâche du terrain à construire des cabanes
– bric à brac de jardin – qui bouchent la vue.
Lui et sa femme exigent plus d’éléphants
sur leurs étagères de verre que nous n’avons de livres.
Avec l’été le silence s’en va.
Cri du faisan d’automne :
rafales de ferrailles en conserve,
au-dessus les peupliers à feuilles cirées brillent et frissonnent
comme ma mère, continuent après que l’esprit est dévasté
.
○
Février presque mars le froid mord.
Prends un livre, le vent s’engouffre. Gelé –
le Jardin d’Eden – son pétrole, libéré, chaufferait
le monde pendant 20 ans et au diable la tempête.
L’hiver me poursuit – il est là
avec des draps si blancs qu’ils font mal aux yeux. Chemise
taie d’oreiller gonflent dans mes catalpas dénudés,
pas d’objets ici.
En février presque mars, une couche de neige
fait un bon fumier, une eau nouée serrée
pour aller jusqu’à mai : donne-moi des lupins et un goût
pour son air grandissant.
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Des traductions en français d’Abigail Lang sont parues dans les revues :
Fusées 13
Vacarme, 37, « Louanges au lieu«
Vacarme, 45, « Darwin »
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