Bernard Mazo, poèmes
Les rêves déchirés
Ceux qu’on exile aux confins
Qu’a-t-on fait de leur vie
Qu’a-t-on fait de leur mémoire
Qu’a-t-on fait de cet espoir
Qui brûlait dans le trajet de leurs veines ?
Quel désespoir quelle inguérissable blessure
Les hommes ont-ils inscrits dans leur chair
Pour qu’ils se taisent ainsi
Et que se taise en eux aussi obstinément
L’écho sans fin de leur rêves déchirés ?
L’Epée et la flûte
On est passé de l’autre côté du mur
sans vraiment s’en apercevoir
Ici tout est gris
sous le ciel bas
Ici au coeur de ce champ de ruines
où ne chante plus la flûte des ancêtres
ni le vent muet à travers les figuiers
l’espérance est exsangue
Ici les enfants se terrent
sous les décombres
Ici à Gaza
rien ne bouge
rien ne respire
que le vent aride du désert
et cette lourde odeur de mort.
L’inespérée
Toi, l’inespérée
Tu occupes la place
Toute la place
Dans ma vie requalifiée
Et si je chante aujourd’hui
La beauté déchirée du monde
C’est qu’elle épouse trait pour trait
L’empreinte de ton visage
Incrusté dans ma chair
Mais ton visage
La simplicité douloureuse
De ton visage
Sa douceur préservée
Comment décrire ce miracle ?
Mais ton visage entre mes mains qui tremblent
Et par ce simple attouchement
Toute la chaleur du monde ressuscitée
Ton visage comme une mouette sur la mer
Comment décrire cela ?
L’espoir est une veilleuse fragile
Sur cette terre vouée au désastre
Nous tenons nous résistons
Nous nous arc-boutons
Contre vents et marées
Défiant le soleil des armes
Son éclat meurtrier.
Car il faut persister persister sans fin
Dans l’âpreté des jours
Comme si l’on ne devait jamais mourir…
Dans ce poème ce n’est pas moi qui vous parle
Dans ce poème ce n’est pas ma voix que vous entendez
Mais ce qui me traverse et me maintient :
L’ombre désespérée de la beauté
Cet espoir infini au cœur des hommes
Car dans nos mains qui tremblent
Cette petite lueur de l’espoir
Est une veilleuse fragile
Au cœur de la nuit carnassière…