Yves Jamait, la poésie des humbles
Source : L’Humanité 03/04/2012
Artiste atypique, Yves Jamait incarne les gens ordinaires, avec sa dignité majuscule et ses chansons si finement taillées dans la quotidienneté que l’on n’en distingue pas les coutures. Après une série de concerts parisiens archicombles aux Trois Baudets, il fait halte au grand Rex, dans le cadre d’une tournée qui s’étirera au moins jusqu’au 30 mai. Ses chansons ne se précipitent ni ne twittent. L’autoroute du showbiz, elles l’évitent. Et, comme lui, prennent le temps de vivre. Elles parlent souvent d’amour, celui qui perd la boussole ou celui qui s’étiole, l’idylle impossible ou la passion dévorante. Sur un titre, il a convié Zaz pour un duo d’une saisissante justesse. «Une qualité de cette fille, c’est de tenir ses promesses, nous confie-t-il. Je lui avais calé quelques premières parties de mes concerts, avant son explosion médiatique. Elle les a effectuées malgré son succès galopant. J’ai beaucoup de tendresse pour elle. Une jolie personne».
Quand on relève le côté sombre de son dernier CD, il répond: «Le quotidien de chacun, dans lequel je puise mon inspiration, ne cesse de s’assombrir, n’en déplaise à nombre de politiciens qui nous baratinent.» Avec Yves Jamait, les maux de la société, la souffrance du déshérité ne sont pas arborés comme des drapeaux. Mais, délivrés des oripeaux langagiers de la chanson dite engagée, ils transpirent à travers les pores de cette poésie des humbles qu’écrit le Bourguignon. L’ancien ouvrier, qui, avec ses primes de licenciement, a produit son premier disque, évoque avec pudeur son parcours. «Issu d’un milieu où l’on se préparait à un métier manuel, j’ai su plus tard qu’un autre monde était possible. Je viens du peuple, mais n’ai jamais eu l’intention d’en faire un étendard et de réduire ainsi le peuple à une chose monolithique. Je reste libre, voilà.» C’est cette utopie lucide qui, chez monsieur Jamait, bouleverse.
Fara C.